La sagesse aujourd'hui...

"On ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi-même... Car elle est un point de vue sur les choses"

Cette phrase de Marcel Proust définit de manière vigoureuse la sagesse comme un point de vue sur les choses , non comme une mise en état de veille des passions.

Travailler sur ses innocences et ses blessures originelles , sur l'intransigeance égoïste de son désir de perfection ou de bonheur . L'effort intense que cela présuppose me semble incompatible avec la moindre désaffection du vouloir-vivre.

La tension vers la connaissance implique le combat intérieur et le doute , la mise à l'épreuve de la vie , de ces certitudes intellectuelles. C'est pourquoi , selon les conceptions du passé, la sagesse venait au terme d'un lent et long processus.Le passage du temps , la traversée des âges de la vie permettaient à la sagesse d'advenir.

Or nos repères vis à vis de la notion d'âge sont aujourd'hui profondément perturbés. Et notre rapport à la connaissance et à la sagesse l'est aussi.

Depuis la transformation du jeune homme et de la jeune fille en teen-agers dans les années 1960, on ne compte plus les conceptions de la jeunesse inventées puis promues par les marchands . Avides de transformer la génération du baby- boom en consommateurs précoces , ceux-ci ont radicalement altéré notre perception des différents âges de la vie. l'injonction de consommer et de se conformer au modèle proposé par la publicité ne cesse de se transformer depuis presque un demi-siècle, les jeunes gens et les adultes en êtres hybrides tenant du jeune enfant et du vieillard.

Nous sommes devenus des mutants à la fois bébés cyniques et vieillards naïfs ... toujours encore immatures et désillusionnés.

La sagesse consiste, sans doute aujourd'hui plus que jamais , à construire cette liberté intérieure permettant seule de déjouer certains pièges que nous tend le conformisme mondial  d'une société dont l'art ,  devenu terne et lui aussi méfiant , ne parvient même plus , à de très rares exceptions près, à restaurer le génie et le rêve.

(Extrait de texte du Nouvel Observateur )